Dans la cité phocéenne, les disparités sociales s'établissent à plusieurs échelles, notamment entre le nord et le sud. Le domaine scolaire n'est pas épargné.

Cité des Lauriers, Marseille (13013) Source : Les Jours ©Theo Giacometti

Cité des Lauriers, Marseille (13013) Source : Les Jours ©Theo Giacometti

Éloignés du centre-ville, mal desservis par les transports, axes routiers peu nombreux et saturés, logements en désuétude construits dans l’urgence dans les années 1960… L’intégration socio-économique des quartiers nord de Marseille, dont la mauvaise réputation les précède, patauge. L’éducation se débat comme elle peut.

Marseille, ville duale

La ville de Marseille est marquée par une ségrégation socio-spatiale structurelle forte entre le nord et le sud. Les premiers se composent des arrondissements les plus précaires de la ville, à savoir le 13e, 14e, 15e, 16e et une partie du 3e arrondissement. Ces derniers représentent environ un tiers de la superficie de la cité phocéenne et plus d’un quart de la population (28,8%) : 117 000 habitants sont logés au sein d’un quartier prioritaire. Quant aux quartiers sud (6e, 7e et 8e arrondissements), ils regroupent des populations de classe plus aisée voire très aisée. A titre d’exemple, selon un rapport de l’observatoire des inégalités, le quartier Estrangin dans le 7e arrondissement est le deuxième quartier de France le plus prisé par les plus riches, 10% de ses habitants gagnent au moins 107 000  euros par an. Le centre-ville, lui, se caractérise plutôt par une mixité sociale assez forte et des frontières plus diffuses. Cette superposition de milieux sociaux est une particularité de la ville de Marseille qui complexifie les enjeux socio-urbains relatifs au territoire. La fracture s’opère ainsi plus violemment à l’équateur de la cité phocéenne.

Les quartiers nord à l’agenda politique

Délaissés par les politiques publiques pendant plusieurs décennies, les quartiers nord représentent désormais un enjeu majeur pour les politiques publiques de la ville et du pays. Le plan « Marseille en grand » **lancé par Emmanuel Macron en 2021 souhaite faire de Marseille un « laboratoire de nouvelles politiques publiques » divisé en sept axes : sécurité, social, sanitaire, éducation, emploi, culture et transports. Une attention particulière est accordée à l’éducation, et notamment au second degré, **« à la racine des inégalités. »

Les collèges marseillais en difficulté

Marseille est la ville française comptant le plus d’écoles en zone d’éducation prioritaire REP+ (secteurs isolés connaissant les plus grandes concentrations de difficultés sociales ayant des incidences fortes sur la réussite scolaire) et REP (plus mixtes socialement, mais rencontrant des difficultés sociales significatives). Selon les chiffres de l’académie d’Aix-Marseille, on compte 24 collèges en REP+ et 6 en REP. L’isolation n’est pas le seul facteur de difficulté. En effet, une majorité de professeurs débutants, faute de points dans leur barème d’expérience, sont contraints d’émettre des vœux dans des REP et REP+ qui garantissent des postes fixes. Sans parler du Covid-19 qui a d’autant plus creusé l’écart entre les collégiens des zones prioritaires et les autres. Ici, les pratiques scolaires peuvent être considérées comme des facteurs démonstratifs de la ségrégation sociale et géographique.

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Milieu social et réussite scolaire

Une scission claire s’exerce entre les taux de réussite des quartiers nord et sud de Marseille, proportionnels aux milieux sociaux des élèves. L’indice de position sociale (IPS) est un indicateur qui permet de mesurer les conditions socio-économiques des élèves dans les établissements scolaires. Depuis 2016, son objectif est de mettre en lumière les inégalités sociales qui subsistent dans les collèges et lycées afin d’y favoriser la mixité. L’IPS, calculé à partir de la catégorie socioprofessionnelle des parents et assigné à chaque élève, se traduit par un score entre 45 et 185. Plus le score est élevé, plus la situation parentale est favorable et les chances de réussite de l'élève assurées. A l’inverse, plus le score est faible, plus le milieu social de l’élève le désavantage. Ces inégalités socio-spatiales paraissent avoir une forte répercussion sur la réussite scolaire des collégiens. Malgré une faible différence en termes de réussite au diplôme du brevet des collèges, on constate une forte disparité au niveau des mentions « très bien » obtenues à l’examen. Les établissements issus des quartiers sud se placent sur la courbe de la réussite, entre 80 et 125 sur le score IPS. Le 8ème arrondissement obtient le meilleur score avec le collège Marseilleveyre qui affiche un IPS à 128. L’écart avec les arrondissements nord est frappant : les collèges basés dans ces zones obtiennent en majorité un IPS inférieur à 70.